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Conférence de Sarkozy sur les forêts : mise en scène et fausses solutions sont au programme.

mars 10, 2010

Quelques jours après avoir flatté l’agrobusiness au salon de l’agriculture[1], Nicolas Sarkozy relance sa diplomatie climatique hasardeuse[2] par une mise en scène peu crédible. Il a convoqué une « conférence internationale sur les grands bassins forestiers » ce jeudi 11 mars à Paris, en dehors de tout cadre onusien de négociations. S’appuyant officiellement sur « les avancées obtenues à Copenhague », cette conférence a pour objectif de concrétiser les « financements et actions précoces du programme REDD+ » (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts), mais aussi les modes de « gouvernance » de ce mécanisme. S’appuyant sur une supposée « expertise forestière française » (sic[3]), Nicolas Sarkozy fait miroiter aux 25 ministres de l’environnement issus des principaux bassins forestiers (Bassin du Congo, de l’Amazonie, d’Amérique centrale et d’Indonésie) des financements rapides et significatifs, transformant, par effet d’aubaine, les forêts primaires restantes en véritable manne financière.

La déforestation comptant pour au moins 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), il est urgent et souhaitable d’aider les pays en développement à protéger leurs forêts primaires et à réduire les émissions causées par le déboisement. Néanmoins ce soutien ne peut se faire à n’importe quelle condition et il doit respecter certains principes élémentaires :

-         les plantations nouvelles doivent être exclues : les forêts tropicales stockent cinq fois plus de carbone que les plantations et constituent des réserves de biodiversité irremplaçables ;

-         les droits des populations vivant des forêts et/ou dans les forêts doivent être respectés, ce qui n’est généralement pas le cas avec les projets de conservation forestière, qui plus est lorsqu’ils sont financés par les pays développés ;

-         aucune compensation et création de droits d’émission ne doivent voir le jour en contrepartie de financements internationaux : les pays du Nord ne doivent pas pouvoir échanger leur pollution réelle contre celle, virtuelle, des pays du Sud, en finançant leur programme de lutte contre la déforestation ; le développement de la finance carbone que susciterait la généralisation de ces droits d’émission, simple effet d’aubaine pour des intérêts financiers délégitimés, est dangereuse et inefficace ;

Les forêts ne sont pas que des puits à carbone. La déforestation ne peut donc se réduire à une question monétaire. Enrichissant des potentats locaux bien souvent soutenus par d’anciens pays colonisateurs, elle met d’immenses territoires au service de l’économie mondialisée pour répondre à l’explosion de la demande de viande industrielle, de soja pour le bétail, de bois précieux, d’huile de palme destinée aux agrocarburants etc…

Stopper la déforestation et entrevoir une véritable régulation des forêts respectueuse des droits des populations n’est possible qu’à condition que ces dernières soient associées aux décisions et que les négociations aient lieu dans un cadre international multilatéral transparent. En excluant toute présence d’ONG ou associations et en envisageant la création d’un « secrétariat » pour gérer ces aides financières en dehors de l’ONU, Nicolas Sarkozy et le gouvernement français continuent de mener une diplomatie climatique parallèle inefficace et dangereuse que nous ne pouvons que dénoncer.

Voir également le communiqué d’Attac France ici, celui de la coalition Forests People Programme ici (et une traduction en français ici)


[1] En visite au Salon de l’agriculture, Nicolas Sarkozy s’est fendu d’un mémorable « toutes ces questions d’environnement, ça commence à bien faire ».

[2] Déjà avant Copenhague, Sarkozy et Borloo avaient sillonnait l’Afrique et l’Asie avec leur fameux plan « Justice Climat » qui n’avait rien de juste et qui, hors la mise en scène d’une diplomatie climatique hors ONU, n’a en rien fait avancer les négociations.

[3] La France a joué un grand rôle dans la déforestation d’une grande part de l’Afrique de l’Ouest, dont la Côte d’Ivoire qui en pait encore le prix aujourd’hui.